mardi 11 décembre 2007

Condorcet, Instruction publique, laïcité - une approche




Dans la foulée du 102e anniversaire de la loi de 1905, le blog action républicaine nous propose de découvrir ou de redécouvrir quelques uns des grands textes et discours laïques de référence, son choix du 9 décembre concerne Condorcet et sa conception de l'Instruction publique.


Condorcet demeure une figure de proue de notre conception de la République laïque et ses réflexions sur l'Instruction publique sont passionnantes et d'une terrible actualité. [On peut d'une part consulter une fiche biographique de Condorcet : http://www.assemblee-nationale.fr/histoire/7ed.asp] et aussi approcher l'originalité de la pensée de Condorcet sur l'école républicaine par cet article: http://revolution-francaise.net/2007/03/08/113-condorcet-instruction-publique-cite]



* Mémoire sur la nécessité de l'instruction publique (1791-1792) :

(Extraits)


"Il faut que l’instruction du peuple puisse suivre les progrès des arts et ceux des lumières générales... Une égalité entière entre les esprits est une chimère. Mais, si l’instruction publique est générale... alors cette inégalité est faite en faveur de l’espèce humaine qui profite des travaux des hommes de génie. Si, au contraire, cette instruction est nulle, faible, mal dirigée, alors l’inégalité n’existe plus qu’en faveur des charlatans de tous les genres, qui cherchent à tromper les hommes sur tous leurs intérêts.


Plus vous voulez que les hommes exercent eux-mêmes une portion plus étendue de leurs droits, plus vous voulez, pour éloigner toute emprise du petit nombre, qu’une masse plus grande de citoyens puisse remplir un plus grand nombre de fonctions, plus aussi vous devez chercher à étendre l’instruction.


L’instruction n’est pas moins nécessaire pour garantir la conscience des pièges du sacerdoce. La morale primitive de toutes les religions a aussi été très simple, assez conforme à la morale naturelle, mais aussi, dans toutes les religions, les prêtres en ont fait un instrument de leur ambition. Ce serait donc trahir le peuple que de ne pas lui donner une instruction morale indépendante de toute religion particulière, un sûr préservatif contre ce danger qui menace sa liberté et son bonheur."

*Premier Mémoire sur l'instruction publique (1791-1792) :


(Extraits)

"Pas de doctrine officielle


On a dit que l’enseignement de la constitution de chaque pays devait y faire partie de l’instruction nationale. Cela est vrai, sans doute, si on en parle comme d’un fait ; si on se contente de l’expliquer et de la développer ; si, en l’enseignant, on se borne à dire : Telle est la constitution établie dans l’Etat et à laquelle tous les citoyens doivent se soumettre. Mais si on entend qu’il faut l’enseigner comme une doctrine conforme aux principes de la raison universelle, ou exciter en sa faveur un aveugle enthousiasme qui rende les citoyens incapables de la juger, si on leur dit : Voilà ce que vous devez adorer et croire, alors c’est une espèce de religion politique que l’on veut créer ; c’est une chaîne que l’on prépare aux esprits, et on viole la liberté dans ses droits les plus sacrés, sous prétexte d’apprendre à la chérir. Le but de l’instruction n’est pas de faire admirer aux hommes une législation toute faite, mais de les rendre capables de l’apprécier et de la corriger. Il ne s’agit pas de soumettre chaque génération aux opinions comme à la volonté de celle qui la précède, mais de les éclairer de plus en plus, afin que chacune devienne de plus en plus digne de se gouverner par sa propre raison.
Il est possible que la constitution d’un pays renferme des lois absolument contraires au bon sens ou à la justice, lois qui aient échappé aux législateurs dans des moments de trouble, qui leur aient été arrachées par l’influence d’un orateur ou d’un parti, par l’impulsion d’une effervescence populaire ; qui enfin leur aient été inspirée, les unes par la corruption, les autres par de fausses vues d’une utilité locale et passagère : il peut arriver, il arrivera même souvent qu’en donnant ces lois, leurs auteurs n’aient pas senti en quoi elles contrariaient les principes de la raison, ou qu’ils n’aient pas voulu abandonner ces principes, mais seulement en suspendre, pour un moment, l’application. Il serait donc absurde d’enseigner les lois établies autrement que comme la volonté actuelle de la puissance publique à laquelle on est obligé de se soumettre, sans quoi on s’exposerait même au ridicule de faire enseigner, comme vrais, des principes contradictoires."


* Rapport sur l'instruction publique présenté à l'Assemblée législative (20 et 21 avril 1792) :

(Extraits)


"Les grands principes de l’instruction publique.


Offrir à tous les individus de l’espèce humaine les moyens de pourvoir à leurs besoins, d’assurer leur bien-être, de connaître et d’exercer leurs droits, d’entendre et de remplir leurs devoirs Assurer à chacun la facilité de perfectionner son industrie, de se rendre capable des fonctions sociales auxquelles il a le droit d’être appelé, de développer toute l’étendue des talents qu’il a reçus de la nature ; et par-là, établir entre les citoyens une égalité de fait et rendre réelle l’égalité politique reconnue par la loi. Tel doit être le premier but d’une instruction nationale et, sous ce point de vue elle est, pour la puissance publique, un devoir de justice.


Diriger l’enseignement de manière que la perfection des arts augmente les jouissances de la généralité des citoyens et l’aisance de ceux qui les cultivent, qu’un plus grand nombre d’hommes deviennent capables de bien remplir les fonctions nécessaires à la société et que les progrès toujours croissants des lumières ouvrent une source inépuisable de secours dans nos besoins, de remèdes dans nos maux, de moyens de bonheur individuel et de prospérité commune.


Cultiver enfin dans chaque génération les facultés physiques, intellectuelles et morales, et par là contribuer à ce perfectionnement général et graduel de l’espèce humaine, dernier but vers lequel toute institution sociale doit être dirigée.


Tel doit être l’objet de l’instruction, et c’est pour la puissance publique un devoir imposé par l’intérêt commun de la société, par celui de l’humanité entière...


... Tant qu’il y aura des hommes qui n’obéiront pas à la raison seule, qui recevront leurs opinions d’une opinion étrangère, en vain toutes les chaînes auraient été brisées, en vain ces opinions de commande seraient d’utiles vérités le genre humain n’en resterait pas moins partagé en deux classes celle des hommes qui raisonnent, et celle des hommes qui croient, celle des maîtres et celle des esclaves...


Morale laïque.


... Les principes de la morale enseignés dans les écoles et dans les instituts seront ceux qui, fondés sur nos sentiments naturels et sur la raison, appartiennent également à tous les hommes. La Constitution, en reconnaissant le droit qu’a chaque individu de choisir son culte, en établissant une entière égalité entre tous les habitants de la France, ne permet point d’admettre, dans l’instruction publique, un enseignement, qui, en repoussant les enfants d’une partie des citoyens, détruirait l’égalité des avantages sociaux et donnerait à des dogmes particuliers un avantage contraire à la liberté des opinions. Il était donc rigoureusement nécessaire de séparer de la morale les principes de toute religion particulière, et de n’admettre dans l’instruction publique l’enseignement d’aucun culte religieux.


Chacun d’eux doit être enseigné dans les temples par ses propres ministres. Les parents, quelle que soit leur opinion sur la nécessité de telle ou telle religion, pourront alors, sans répugnance envoyer leurs enfants dans les établissements nationaux ; et la puissance publique n’aura point usurpé sur les droits de la conscience sous prétexte de l’éclairer et de la conduire.


D’ailleurs, combien n’est-il pas important de fonder la morale sur les seuls principes de la raison ! Quelque changement que subissent les opinions d’un homme dans le cours de sa vie, les principes établis sur cette base, resteront toujours également vrais, ils seront toujours invariables comme elle ; il les opposera aux tentatives que l’on pourrait faire pour égarer sa conscience, elle, conservera son indépendance et sa rectitude. et on ne verra plus ce spectacle si affligeant d’hommes qui s’imaginent remplir leurs devoirs en violant les droits les plus sacrés et obéir à Dieu en trahissant leur patrie. Ceux qui croient encore à la nécessité d’appuyer la morale sur une religion particulière doivent eux ?mêmes approuver cette séparation : car, sans doute ce n’est pas la vérité des principes de la morale qu’ils font dépendre de leurs dogmes ; ils pensent seulement que les hommes y trouvent des motifs plus puissants d’être justes ; et ces motifs n’acquerront ?ils pas une force plus grande sur tout esprit capable de réfléchir s’ils ne sont employés qu’à fortifier ce que la raison et le sentiment intérieur ont déjà commandé ?


Dira-t-on que l’idée de cette séparation s’élève trop au-dessus lumières actuelles au peuple ? Non, sans doute, car, puisqu’il s’agit ici d’instruction publique, tolérer une erreur, ce serait s’en rendre complice, ne pas consacrer hautement la vérité, ce serait la trahir. Et quand bien même il serait vrai que des ménagements politiques puissent encore, pendant quelque temps, souiller les lois d’une nation libre, quand cette doctrine insidieuse ou faible trouverait une excuse dans la stupidité qu’on se plaît à supposer dans le peuple, pour avoir un prétexte de le tromper ou de l’opprimer, du moins l’instruction qui doit amener le temps où ces ménagements seront inutiles, ne peut appartenir qu’à la vérité seule et doit lui appartenir tout entière."

dimanche 4 novembre 2007

Olympe de Gouges : anniversaire - soirée-lecture du 14 décembre 2007

C'est le 3 novembre 1793 qu'Olympe de Gouges a été guillotinée. Nous en parlerons lors de la soirée "lectures" du 14 décembre

[A l'occasion du transfert de cet article sur notre nouveau bloc-notes, nous précisions qu'une fiche lui est consacrée sur le site revolution-française.net : http://revolution-francaise.net/editions/Galerie%2075%20Rouen%20Olympe%20de%20Gouges.pdf]

mardi 2 octobre 2007

Premières Sans-Culottides de Saintonge - 21 septembre 2007



Elles ont eu lieu le 21 septembre. Les dix-huit jacobins présents au buffet républicain ont aussi bien chanté et parlé du jacobinisme, évidemment, avant de faire une ronde autour de l'arbre de la liberté.


 

 

mercredi 5 septembre 2007

4 septembre 1870 : proclamation de la IIIe République



De nombreuses rues en France portent le nom du « Quatre Septembre ». 

Peu de citoyens connaissent la signification de cette date, qui est pourtant la naissance d'une République qui a tant accompli, des conquêtes laïques des Ferry et Briand aux conquêtes sociales du Front Populaire, en passant par l'affirmation des libertés individuelles.
 
Le 4 septembre 1870, suite à la diffusion, la veille, de l'annonce de la capture de Napoléon III par les Prussiens à Sedan, une foule de Parisiens envahit le Palais-Bourbon - siège du Corps Législatif - en criant "Vive la République !". Gambetta y proclame la déchéance de Napoléon III et de l'Empire.  

La foule se rend, à la suite de Jules Favre, à l'Hôtel de Ville, où la République est proclamée.

Plus d'informations, par exemple sur :
http://action-republicaine.over-blog.com/article-12143119.html

mardi 28 août 2007

Dernier discours de Robespierre


Dernier discours de Robespierre
prononcé devant la Convention le 8 Thermidor an II

Citoyens,
Que d'autres vous tracent des tableaux flatteurs : je viens vous dire des vérités utiles. Je ne viens point réaliser des terreurs ridicules répandues par la perfidie ; mais je veux étouffer, s'il est possible, les flambeaux de la discorde par la seule force de la vérité. Je vais défendre devant vous votre autorité outragée et la liberté violée.
Je me défendrai aussi moi-même ; vous n'en serez point surpris ; vous ne ressemblez point aux tyrans que vous combattez. Les cris de l'innocence outragée n'importunent point votre oreille, et vous n'ignorez pas que cette cause ne vous est point étrangère.
Les révolutions qui, jusqu'à nous, ont changé la face des empires, n'ont eu pour objet qu'un changement de dynastie, ou le passage du pouvoir d'un seul à celui de plusieurs. La Révolution française est la première qui ait été fondée sur la théorie des droits de l'humanité, et sur les principes de la justice.
[...]
Précy à Lyon, et Brissot à Paris, criaient : Vive la République ! Tous les conjurés ont même adopté, avec plus d'empressement qu'aucun autre, toutes les formules, tous les mots de ralliement du patriotisme. L'Autrichien, dont le métier était de combattre la révolution ; l'Orléanais, dont le rôle était de jouer le patriotisme, se trouvèrent sur la même ligne ; et l'un et l'autre ne pouvaient plus être distingués du républicain.
La République, amenée insensiblement par la force des choses et par la lutte des amis de la liberté contre les conspirations toujours renaissantes, s'est glissée, pour ainsi dire, à travers toutes les factions : mais elle a trouvé leur puissance organisée autour d'elle, et tous les moyens d'influence dans leurs mains ; aussi n'a-t-elle cessé d'être persécutée dès sa naissance, dans la personne de tous les hommes de bonne foi qui combattaient pour elle ; c'est que. pour conserver l'avantage de leur position, les chefs des factions et leurs agents ont été forcés de se cacher sous la forme de la République.
Ils ne combattirent pas nos principes, ils les corrompirent ; ils ne blasphémèrent point contre la révolution, ils tâchèrent de la déshonorer, sous le prétexte de la servir ; ils déclamèrent contre les tyrans, et conspirèrent pour la tyrannie ; ils louèrent la République et calomnièrent les républicains.
Les amis de la liberté cherchent à renverser la puissance des tyrans par la force de la vérité : les tyrans cherchent à détruire les défenseurs de la liberté par la calomnie ; ils donnent le nom de tyrannie à l'ascendant même des principes de la vérité.
Quand ce système a pu prévaloir, la liberté est perdue ; il n'y a de légitime que la perfidie, et de criminel que la vertu ; car il est dans la nature même des choses qu'il existe une influence partout où il y a des hommes rassemblés, celle de la tyrannie ou celle de la raison.
Lorsque celle-ci est proscrite comme un crime, la tyrannie règne ; quand les bons citoyens sont condamnés au silence, il faut bien que les scélérats dominent.
(...)
Si je vous dis aussi quelque chose des persécutions dont je suis l'objet, vous ne m'en ferez point un crime ; vous n'avez rien de commun avec les tyrans qui me poursuivent ; les cris de l'innocence opprimée ne sont point étrangers à vos cœurs ; vous ne méprisez point la justice et l'humanité, et vous n'ignorez pas que ces trames ne sont point étrangères à votre cause et à celle de la patrie.
Eh ! quel est donc le fondement de cet odieux système de terreur et de calomnies ? A qui devons-nous être redoutables, ou des ennemis ou des amis de la République ? Est-ce aux tyrans et aux fripons qu'il appartient de nous craindre, ou bien aux gens de bien et aux patriotes ?
(...)
Nous, redoutables à la Convention nationale ! Et que sommes-nous sans elle ? Et qui a défendu la Convention nationale au péril de sa vie
(...)
Que les tyrans de l'Europe osent proscrire un représentant du peuple français, c'est sans doute l'excès de l'insolence ; mais que des Français qui se disent républicains travaillent à exécuter l'arrêt de mort prononcé par les tyrans, c'est l'excès du scandale et de l'opprobre.
(...)
Partout, les actes d'oppression avaient été multipliés pour étendre le système de terreur et de calomnie. Des agents impurs prodiguaient les arrestations injustes : des projets de finances destructeurs menaçaient toutes les fortunes modiques et portaient le désespoir dans une multitude innombrable de familles attachées à la révolution ; on épouvantait les nobles et les prêtres par des motions concertées ; les paiements des créanciers de l’état et des fonctionnaires publics étaient suspendus : on surprenait au Comité de salut public un arrêté qui renouvelait les poursuites contre les membres de la commune du 10 août, sous le prétexte d'une reddition des comptes.
Au sein de la Convention, on prétendait que la Montagne était menacée, parce que quelques membres siégeant en cette partie de la salle se croyaient en danger ; et, pour intéresser à la même cause la Convention nationale tout entière, on réveillait subitement l'affaire de cent soixante-treize députés détenus, et on m'imputait tous ces événements qui m'étaient absolument étrangers ; on disait que je voulais immoler la Montagne ; on disait que je voulais perdre l'autre portion de la Convention nationale.
On me peignait ici comme le persécuteur des soixante-deux députés détenus ; là, on m'accusait de les défendre ; on disait que je soutenais le Marais – c'était l'expression de mes calomniateurs.
(...)
Ah ! certes, lorsque, au risque de blesser l'opinion publique, ne consultant que les intérêts sacrés de la patrie, j'arrachais seul à une décision précipitée ceux dont les opinions m'auraient conduit à l'échafaud, si elles avaient triomphé ; quand, dans d'autres occasions, je m'exposais à toutes les fureurs d'une faction hypocrite, pour réclamer les principes de la stricte équité envers ceux qui m'avaient jugé avec plus de précipitation, j'étais loin, sans doute, de penser que l'on dût me tenir compte d'une pareille conduite.
J'aurais trop mal présumé d'un pays où elle aurait été remarquée, et où l'on aurait donné des noms pompeux aux devoirs les plus indispensables de la probité ; mais j'étais encore plus loin de penser qu'un jour on m'accuserait d'être le bourreau de ceux envers qui je les ai remplis, et l'ennemi de la représentation nationale que j'avais servie avec dévouement ; je m'attendais bien moins encore qu'on m'accuserait à la fois de vouloir la défendre et de vouloir l'égorger.
Quoi qu'il en soit, rien ne pourra jamais changer ni mes sentiments ni mes principes. A l'égard des députés détenus, je déclare que, loin d'avoir eu aucune part au dernier décret qui les concerne, je l'ai trouvé au moins très extraordinaire dans les circonstances ; que je ne me suis occupé d'eux en aucune manière depuis le moment où j'ai fait envers eux tout ce que ma conscience m'a dicté,
A l'égard des autres, je me suis expliqué sur quelques-uns avec franchise ; j'ai cru remplir mon devoir. Le reste est un tissu d'impostures atroces.
Quant à la Convention nationale, mon premier devoir, comme mon premier penchant, est un respect sans bornes pour elle. Sans vouloir absoudre le crime, sans vouloir justifier en elles-mêmes les erreurs funestes de plusieurs, sans vouloir ternir la gloire des défenseurs énergiques de la liberté ni affaiblir l'illusion d'un nom sacré dans les annales de la révolution, je dis que tous les représentants du peuple dont le cœur est pur doivent reprendre la confiance et la dignité qui leur convient.
Je ne connais que deux partis, celui des bons et des mauvais citoyens ; que le patriotisme n'est point une affaire de parti, mais une affaire de cœur ; qu'il ne consiste ni dans l'insolence, ni dans une fougue passagère qui ne respecte ni les principes, ni le bon sens, ni la morale ; encore moins dans le dévouement aux intérêts d'une faction.
Le cœur flétri par l'expérience de tant de trahisons, je crois à la nécessité d'appeler surtout la probité de tous les sentiments généreux au secours de la République.
Je sens que partout où on rencontre un homme de bien, en quelque lieu qu'il soit assis, il faut lui tendre la main, et le serrer contre son cœur, je crois à des circonstances fatales dans la révolution, qui n'ont rien de commun avec les desseins criminels, je crois à la détestable influence de l'intrigue, et surtout à la puissance sinistre de la calomnie.
Je vois le monde peuplé de dupes et de fripons : mais le nombre des fripons est le plus petit : ce sont eux qu'il faut punir des crimes et des malheurs du monde.
(...)
N'ont-ils pas appelé nos armées " les hordes conventionnelles " ; la révolution française "le jacobinisme"? Et lorsqu'ils alertent de donner à un faible individu, en butte aux outrages de toutes les factions, une importance gigantesque et ridicule, quel peut être leur but, si ce n'est de vous diviser, de vous avilir, en niant votre existence même, semblables à l'impie qui nie l'existence de la divinité qu'il redoute ?
Cependant ce mot de dictature a des effets magiques ; il pétrit la liberté ; il avilit le gouvernement : il détruit la République ; il dégrade toutes les institutions révolutionnaires, qu'on présente comme l'ouvrage d'un seul homme ; il rend odieuse la justice nationale, qu'il présente comme instituée pour l'ambition d'un seul homme ; il dirige sur un point toutes les haines et tous les poignards du fanatisme et de l'aristocratie.
Quel terrible usage les ennemis de la République ont fait du seul nom d'une magistrature romaine ! Et si leur érudition nous est si fatale, que sera-ce de leurs trésors et de leurs intrigues ? Je ne parle point de leurs armées : mais qu'il me soit permis de renvoyer au duc d'York et à tous les écrivains royaux les patentes de cette dignité ridicule qu'ils m'ont expédiées les premiers.
Il y a trop d'insolence à des rois, qui ne sont pas sûrs de conserver leur couronne, de s'arroger le droit d'en distribuer à d'autres. Je conçois qu'un prince ridicule, que cette espèce d'animaux immondes et sacrés qu'on appelle encore rois, puissent se complaire dans leur bassesse et s'honorer de leur ignominie ; je conçois que le fils de Georges, par exemple, puisse avoir regret de ce sceptre français qu'on le soupçonne violemment d'avoir convoité, et je plains sincèrement ce moderne Tantale.
J'avouerai même, à la honte, non de ma patrie. mais des traîtres qu'elle a punis, que j'ai vu d'indignes mandataires du peuple qui auraient échangé ce titre glorieux pour celui de valet de chambre de Georges ou de d'Orléans.
Mais qu'un représentant du peuple qui sent la dignité de ce caractère sacré, qu'un citoyen français digne de ce nom puisse abaisser ses vœux jusqu'aux grandeurs coupables et ridicules qu'il a contribué à foudroyer, qu'il se soumette à la dégradation civique pour descendre à l'infamie du trône, c'est ce qui ne paraîtra vraisemblable qu'à ces êtres pervers qui n'ont pas même le droit de croire à la vertu.
Que dis-je, vertu ? c'est une passion naturelle, sans doute : mais comment la connaîtraient-ils, ces âmes vénales, qui ne s'ouvrirent jamais qu'à des passions lâches et féroces : ces misérables intrigants, qui ne lièrent jamais le patriotisme à aucune idée morale, qui marchèrent dans la révolution à la suite de quelque personnage important et ambitieux, de je ne sais quel prince méprisé, comme jadis nos laquais sur les pas de leurs maîtres ?
(...)
Ils m'appellent tyran. Si je l'étais, ils ramperaient à mes pieds, je les gorgerais d'or, je leur assurerais le droit de commettre tous les crimes, et ils seraient reconnaissants. Si je l'étais, les rois que nous avons vaincus, loin de me dénoncer (quel tendre intérêt ils prennent à notre liberté ! ) me prêteraient leur coupable appui ; je transigerais avec eux. Dans leur détresse, qu'attendent-ils, si ce n'est le secours d'une faction protégée par eux, qui leur vende la gloire et la liberté de notre pays ?
On arrive à la tyrannie par le secours des fripons ; où courent ceux qui les combattent ? Au tombeau et à l'immortalité.
Quel est le tyran qui me protège ? Quelle est la faction à qui j'appartiens ? C'est vous-mêmes.
Quelle est cette faction qui, depuis le commencement de la révolution, a terrassé les factions, a fait disparaître tant de traîtres accrédités ? C'est vous, c'est le peuple, ce sont les principes. Voilà la faction à laquelle je suis voué, et contre laquelle tous les crimes sont ligués.
C'est vous qu'on persécute ; c'est la patrie, ce sont tous les amis de la patrie. Je me défends encore. Combien d'autres ont été opprimés dans les ténèbres' Qui osera jamais servir la patrie, quand je suis obligé encore ici de répondre à de telles calomnies ?
Ils citent comme la preuve d'un dessein ambitieux les effets les plus naturels du civisme et de la liberté ; l'influence morale des anciens athlètes de la révolution est aujourd'hui assimilée par eux à la tyrannie.
Vous êtes, vous-mêmes, les plus lâches de tous les tyrans, vous qui calomniez la puissance de la vérité. Que prétendez-vous, vous qui voulez que la vérité soit sans force dans la bouche des représentants du peuple français ?
La vérité, sans doute, a sa puissance ; elle a sa colère, son despotisme ; elle a des accents touchants, terribles, qui retentissent avec force dans les cœurs purs, comme dans les consciences coupables, et qu'il n'est pas plus donné au mensonge d'imiter qu'à Salmonée d'imiter les foudres du ciel : mais accusez-en la nature, accusez-en le peuple qui le sent et qui l'aime.
Il y a deux puissances sur la terre ; celle de la raison et celle de la tyrannie ; partout où l'une domine, l'autre en est bannie. Ceux qui dénoncent comme un crime la force morale de la raison cherchent donc à rappeler la tyrannie.
Si vous ne voulez pas que les défenseurs des principes obtiennent quelque influence dans cette lutte difficile de la liberté contre l'intrigue, vous voulez donc que la victoire demeure à l'intrigue ? Si les représentants du peuple qui défendent sa cause ne peuvent pas obtenir impunément son estime, quelle sera la conséquence de ce système, si ce n'est qu'il n'est plus permis de servir le peuple, que la République est proscrite et la tyrannie rétablie ?
Et quelle tyrannie plus odieuse que celle qui punit le peuple dans la personne de ses défenseurs ? Car la chose la plus libre qui soit dans le monde, même sous le règne du despotisme, n'est-ce pas l'amitié ?

Source : http://voltaire.republique.over-blog.com/article-6991604.html

Il est possible de retrouver l'évolution de l'usage du terme "Terreur" pendant la décennie révolutionnaire dans cet article de Jacques Guilhaumou disponible sur le site http://revolution-francaise.net, « La terreur à l’ordre du jour » : un parcours en révolution (1793-1794)]

dimanche 26 août 2007

Robespierre et les ennemis de la Révolution


Ci-dessous, un extrait du discours de Robespierre qui éclaire son point de vue sur les "ennemis de la Révolution". 
 
La Révolution, qui tend à l'établir [la République], n'est que le passage du règne du crime à celui de la justice ; de là les efforts continuels des rois ligués contre nous et de tous les conspirateurs, pour perpétuer chez nous les préjugés et les vices de la monarchie.
[...]
Les premiers chefs des factions qui partagèrent les deux premières législatures, trop lâches pour croire à la République, trop corrompus pour la vouloir, ne cessèrent de conspirer, pour effacer du cœur des hommes les principes éternels que leur propre politique les avait déjà obligés de proclamer. La conjuration se déguisait alors sous la couleur de ce perfide modérantisme qui, protégeant le crime et tuant la vertu, nous ramenait par un chemin oblique et sûr à la tyrannie.

Quand l'énergie républicaine eut confondu ce lâche système et fondé la démocratie, l'aristocratie et l'étranger formèrent le plan de tout outrer et de tout corrompre. Ils se cachèrent sous les formes de la démocratie, pour la déshonorer par des travers aussi funestes que ridicules, et pour l'étouffer dans son berceau.
[...]
La marche des chefs de parti, qui semblaient les plus divisés, fut toujours à peu près la même. Leur principal caractère fut une profonde hypocrisie.
La Fayette invoquait la Constitution pour relever la puissance royale. Dumouriez invoquait la Constitution pour protéger la faction girondine contre la Convention nationale. Au mois d'août 1792, Brissot et les Girondins voulaient faire de la Constitution un bouclier, pour parer le coup qui menaçait le trône. Au mois de janvier suivant, les mêmes conspirateurs réclamaient la souveraineté du peuple pour arracher la royauté à l'opprobre de l'échafaud et pour allumer la guerre civile dans les assemblées sectionnaires. Hébert et ses complices réclamaient la souveraineté du peuple pour égorger la Convention nationale et anéantir le gouvernement républicain.
Brissot et les Girondins avaient voulu armer les riches contre le peuple ; Danton, ménageant tous les crimes liés à tous les complots, promettant aux scélérats sa protection, aux patriotes sa fidélité, habile à expliquer ses trahisons par des prétextes de bien public, à justifier ses vices par ses défauts prétendus, faisait inculper par ses amis, d'une manière insignifiante ou favorable, les conspirateurs près de consommer la ruine de la République, pour avoir l'occasion de les défendre lui-même ; transigeait avec Brissot, correspondait avec Ronsin, encourageait Hébert, et s'arrangeait à tout évènement pour profiter également de leur chute ou de leurs succès, et pour rallier tous les ennemis de la liberté contre le gouvernement républicain.
Extraits du Rapport du Comité de salut public du 18 floréal an II (7 mai 1794)

Robespierre d'actualité ?



           A l'occasion du transfert progressif sur notre nouveau blog des articles (2007-2014) des Joyeux Jacobins, il est possible de proposer, en complément, des pistes de lectures à la lumière d'approches historiographiques renouvelées. 
           Ainsi, en préalable à la rencontre-débat des 4 
et 5 octobre 2014 à Aubervilliers, sur 
"la Révolution, Robespierre et l’Allemagne", L'Humanité du 3 octobre 2014 a permis des "Entretiens croisés" avec Michel Biard (Professeur d’histoire du monde moderne et de la Révolution française à l’université de Rouen, président de la Société des études robespierristes), 
Sophie Wahnich (Agrégée, docteure en histoire, directrice de recherche au CNRS) et 
Jean-Numa Ducange (maître de conférences 
à l’université 
de Rouen) sur la problématique : Robespierre est-il toujours notre contemporain ?. En ce qui nous concerne, nous avons invité M. Jean-Numa Ducange à Saintes, le 22 septembre 2012, pour une conférence sur "Jacobinisme et communisme - Les communistes sont-ils les héritiers des Jacobins ?".

              Tout particulièrement captivante est aussi la recension faite par Michel BIARD du récent l'ouvrage de Marc Belissa et Yannick Bosc "Robespierre. La fabrication d'un mythe‪", recension faite in Annales historiques de la Révolution française 2/ 2014 (n° 376), p. 206-209. La conclusion de l'ouvrage est à découvrir sur le site http://revolution-francaise.net/2013/11/23/552-robespierre-la-fabrication-d-un-mythe.

             Remettons en mémoire l'ouvrage de Mme Cécile Obligi, que, répondant si amicalement à notre invitation en septembre 2013, l'auteure avait eu la grande amabilité et disponibilité de venir présenter à Saintes. Comme l'écrit Claude Mazauric dans L'Humanité, l'ouvrage propose "une brève et juste biographie de Maximilien Robespierre qui trouvera son public parmi celles et ceux qui n’aiment pas qu’on leur dicte ce qu’ils devraient nécessairement penser".


Vous trouverez ci-dessous, l'article du 25 août 2007 des Joyeux Jacobins intitulé : "Robespierre d'actualité ?", transféré de notre précédent blog ce 25 décembre 2014.
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Selon Joseph Marie Lequinio (1755-1814), représentant du Morbihan, ce rapport de Robespierre, qui traite de la question du culte de l'Etre suprême, et recherche l'unité des catégories sociales soutenant le mouvement révolutionnaire, est "un des plus beaux qui aient jamais été faits à la tribune de la Convention". Cf. Œuvres de Maximilien Robespierre, Société des études robespierristes, tome X, Discours (5e partie), 2011 [1952], pp. 442-443 et p. 465.

Nous nous intéressons ici à la première partie du texte, qui évoque spécialement les changements - passés, actuels, à venir - du monde, les transformations dans le domaine politique, les rapports des hommes au progrès ou à leurs passions, la vertu républicaine, la confiance en l'avenir. Bien au-delà du contexte historique, transparaît en filigrane de l'argumentation une esquisse d'idéal politique à construire : considérer la vertu pour et dans le monde présent, éclairer, rendre meilleur, chercher le bonheur de tous, défendre l'humanité ...

Citoyens,
C'est dans la prospérité que les peuples, ainsi que les particuliers, doivent, pour ainsi dire, se recueillir pour écouter, dans le silence des passions, la voix de la sagesse.
[...]
Le monde moral, beaucoup plus encore que le monde physique, semble plein de contraste et d'énigmes. La nature nous dit que l'homme est né pour la liberté, et l'expérience des siècles nous montre l'homme esclave. Ses droits sont écrits dans son cœur, et son humiliation dans l'histoire. Le genre humain respecte Caton, et se courbe sous le joug de César. La postérité honore la vertu de Brutus, mais elle ne la permet que dans l'histoire ancienne. Les siècles et la terre sont le partage du crime et de la tyrannie ; la liberté et la vertu sont à peine reposées un instant sur quelques points du globe. [...]
Ne dis pas cependant, ô Brutus, que la vertu est un fantôme ! Et vous, fondateurs de la République française, gardez-vous de désespérer de l'humanité, ou de douter un moment du succès de votre grande entreprise !

Le monde a changé, il doit changer encore.
[...]

Tout a changé dans l'ordre physique; tout doit changer dans l'ordre moral et politique. La moitié de la révolution du monde est déjà faite; l'autre moitié doit s'accomplir.
[...] Les peuples de l'Europe ont fait des progrès étonnants dans ce que l'on appelle les arts et les sciences, et ils semblent dans l'ignorance des premières notions de la morale publique. Ils connaissent tout, excepté leurs droits et leurs devoirs. [...] pour chercher à se rendre habile dans les arts, il ne faut que suivre ses passions, tandis que, pour défendre ses droits et respecter ceux d'autrui, il faut les vaincre. Il en est une autre raison : c'est que les rois qui font le destin de la terre ne craignent ni les grands géomètres, ni les grands poètes, et qu'ils redoutent les philosophes rigides, et les défenseurs de l'humanité.
[...]
L'art de gouverner a été jusqu'à nos jours l'art de tromper et de corrompre les hommes : il ne doit être que celui de les éclairer et les rendre meilleurs.
Il y a deux sortes d'égoïsme : l'un, vil, cruel, qui isole l'homme de ses semblables, qui cherche un bien-être exclusif acheté par la misère d'autrui : l'autre, généreux, bienfaisant, qui confond notre bonheur dans le bonheur de tous, qui attache notre gloire à celle de la patrie. Le premier fait les oppresseurs et les tyrans : le second , les défenseurs de l'humanité.
[...]


Extraits du Rapport du Comité de salut public du 18 floréal an II (7 mai 1794) ["Sur les rapports des idées religieuses et morales avec les principes républicains, et sur les fêtes nationales"]


nota bene : cet article est paru initialement sur notre précédent blog à l'adresse http://lesjoyeuxjacobins.over-blog.com/article-11982730.html le 25 août 2007 (transfert effectué le 25/12/2014 avec les compléments introductifs et des précisions de sources)

jeudi 19 juillet 2007

Déclarations des Droits de l'Homme et du Citoyen - 1789 et 1793


Dans la catégorie "Textes à lire", en tout premier, ces références, en tant que base du modèle républicain français, pour les droits "fondamentaux" d'abord en ce qui concerne la DDHC de 1789, pour la modernité des droits économiques et sociaux ensuite en ce qui concerne la Déclaration de 1793 :
  • D'abord, la Déclaration du 26 août 1789, citée dans le préambule de la Constitution du 4-10-1958 ["Le peuple français proclame solennellement son attachement aux Droits de l'homme et aux principes de la souveraineté nationale tels qu'ils ont été définis par la Déclaration de 1789, confirmée et complétée par le préambule de la Constitution de 1946, ainsi qu'aux droits et devoirs définis dans la Charte de l'environnement de 2004."]
Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen de 1789

"Les Représentants du Peuple Français, constitués en Assemblée Nationale, considérant que l’ignorance, l’oubli ou le mépris des droits de l’Homme sont les seules causes des malheurs publics et de la corruption des Gouvernements, ont résolu d’exposer, dans une déclaration solennelle, les droits naturels, inaliénables et sacrés de l’Homme, afin que cette Déclaration, constamment présente à tous les Membres du corps social, leur rappelle sans cesse leurs droits et leurs devoirs ; afin que les actes du pouvoir législatif et ceux du pouvoir exécutif, pouvant être à chaque instant comparés avec le but de toute institution politique, en soient plus respectés; afin que les réclamations des citoyens, fondées désormais sur des principes simples et incontestables, tournent toujours au maintien de la Constitution et au bonheur de tous.

En conséquence, l’Assemblée nationale reconnaît et déclare, en présence et sous les auspices de l’Être Suprême, les droits suivants de l’Homme et du Citoyen.
Article premier - Les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits. Les distinctions sociales ne peuvent être fondées que sur l’utilité commune.

Article 2 - Le but de toute association politique est la conservation des droits naturels et imprescriptibles de l’homme. Ces droits sont la liberté, la propriété, la sûreté et la résistance à l’oppression.

Article 3 - Le principe de toute Souveraineté réside essentiellement dans la Nation. Nul corps, nul individu ne peut exercer d’autorité qui n’en émane expressément. 

Article 4 - La liberté consiste à pouvoir faire tout ce qui ne nuit pas à autrui : ainsi, l’exercice des droits naturels de chaque homme n’a de bornes que celles qui assurent aux autres membres de la société la jouissance de ces mêmes droits. Ces bornes ne peuvent être déterminées que par la Loi.
 
Article 5 - La Loi n’a le droit de défendre que les actions nuisibles à la Société. Tout ce qui n’est pas défendu par la Loi ne peut être empêché, et nul ne peut être contraint à faire ce qu’elle n’ordonne pas.
 
Article 6 - La Loi est l’expression de la volonté générale. Tous les Citoyens ont droit de concourir personnellement ou par leurs Représentants à sa formation. Elle doit être la même pour tous, soit qu’elle protège, soit qu’elle punisse. Tous les Citoyens, étant égaux à ces yeux, sont également admissibles à toutes dignités, places et emplois publics, selon leur capacité et sans autre distinction que celle de leurs vertus et de leurs talents.
 
Article 7 - Nul homme ne peut être accusé, arrêté ou détenu que dans les cas déterminés par la Loi et selon les formes qu’elle a prescrites. Ceux qui sollicitent, expédient, exécutent ou font exécuter des ordres arbitraires doivent être punis; mais tout citoyen appelé ou saisi en vertu de la loi doit obéir à l’instant; il se rend coupable par la résistance.
 
Article 8 - La Loi ne doit établir que des peines strictement et évidemment nécessaires, et nul ne peut être puni qu’en vertu d’une loi établie et promulguée antérieurement au délit, et légalement appliquée.
 
Article 9 - Tout homme étant présumé innocent jusqu’à ce qu’il ait été déclaré coupable, s’il est jugé indispensable de l’arrêter, toute rigueur qui ne serait pas nécessaire pour s’assurer de sa personne doit être sévèrement réprimée par la Loi.
 
Article 10 - Nul ne doit être inquiété pour ses opinions, mêmes religieuses, pourvu que leur manifestation ne trouble pas l’ordre public établi par la Loi.
 
Article 11 - La libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l’homme; tout citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement, sauf à répondre de l’abus de cette liberté dans les cas déterminés par la Loi.
 
Article 12 - La garantie des droits de l’Homme et du Citoyen nécessite une force publique; cette force est donc instituée pour l’avantage de tous, et non pour l’utilité particulière de ceux à qui elle est confiée.
 
Article 13 - Pour l’entretien de la force publique, et pour les dépenses d’administration, une contribution commune est indispensable; elle doit être également répartie entre tous les citoyens, en raison de leurs facultés.
 
Article 14 - Tous les Citoyens ont le droit de constater, par eux-mêmes ou par leurs représentants, la nécessité de la contribution publique, de la consentir librement, d’en suivre l’emploi, et d’en déterminer la quotité, l’assiette, le recouvrement et la durée.
 
Article 15 - La Société a le droit de demander compte à tout Agent public de son administration.
 
Article 16 - Toute société dans laquelle la garantie des Droits n’est pas assurée ni la séparation des pouvoirs déterminée, n’a point de Constitution.
 
Article 17 - La propriété étant un droit inviolable et sacré, nul ne peut en être privé, si ce n’est lorsque la nécessité publique, légalement constatée, l’exige évidemment, et sous la condition d’une juste et préalable indemnité.
 
  • Puis, la Déclaration dite "montagnarde", de 1793, élaborée par une commission où se trouvaient les Jacobins Saint-Just et Hérault de Séchelles et vraisemblablement rédigée pour l'essentiel par ce dernier. Elle se distingue de la précédente par sa revendication insistante de l'Egalité.
Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen de 1793
Le peuple français, convaincu que l'oubli et le mépris des droits naturels de l'homme sont les seules causes des malheurs du monde a résolu d'exposer, dans une déclaration solennelle, ces droits sacrés et inaliénables afin que tous les citoyens, pouvant comparer sans cesse les actes du Gouvernement avec le but de toute institution sociale, ne se laissent jamais opprimer et avilir par la tyrannie ; afin que le peuple ait toujours devant les yeux les bases de sa liberté et de son bonheur ; le magistrat, la règle de ses devoirs ; le législateur, l'objet de sa mission. - En conséquence, il proclame en présence de l'Etre suprême, la déclaration des droits de l'Homme et du Citoyen.

Article premier - Le but de la société est le bonheur commun. - Le gouvernement est institué pour garantir à l'homme la jouissance de ses droits naturels et imprescriptibles.

Article II - Ces droits sont l'égalité, la liberté, la sécurité, la propriété.

Article III - Tous les hommes sont égaux par la nature et devant la loi.

Article IV - La loi est l'expression libre et solennelle de la volonté générale ; elle est la même pour tous, soit qu'elle protège, soit qu'elle punisse ; elle ne peut ordonner que ce qui est juste et utile à la société ; elle ne peut défendre que ce qui lui est nuisible.

Article V - Tous les citoyens sont également admissibles aux emplois publics ; les peuples libres ne connaissent d'autres motifs de préférence dans leurs élections que leurs vertus et leurs talents.

Article VI - La liberté est le pouvoir qui appartient à l'homme de faire tout ce qui ne nuit pas aux droits d'autrui ; elle a pour principe, la nature ; pour règle, la justice ; pour sauvegarde, la loi ; sa limite morale est dans cette maxime : Ne fais pas à un autre ce que tu ne veux pas qu'il te soit fait.

Article VII - Le droit de manifester sa pensée et ses opinions, soit par la voie de la presse, soit de toute autre manière, le droit de s'assembler paisiblement, le libre exercice des cultes, ne peuvent être interdits. - La nécessité d'énoncer ces droits suppose ou la présence ou le souvenir récent du despotisme.

Article VIII - La sûreté consiste dans la protection accordée par la société à chacun de ses membres pour la conservation de sa personne, de ses droits et de ses propriétés.

Article IX - La loi doit protéger la liberté publique et individuelle contre l'oppression de ceux qui gouvernent.

Article X - Nul ne doit être accusé, arrêté ni détenu que dans les cas déterminés par la loi, et selon les formes qu'elle a prescrites. Tout citoyen, appelé ou saisi par l'autorité de la loi doit obéir à l'instant ; il se rend coupable par la résistance.

Article XI - Tout acte exercé contre un homme hors des cas et sans les formes que la loi détermine, est arbitraire et tyrannique ; celui contre lequel on voudrait l'exécuter par la violence a le droit de le repousser par la force.

Article XII - Ceux qui solliciteraient, expédieraient, signeraient, exécuteraient ou feraient exécuter des actes arbitraires, seraient coupables, et doivent être punis.

Article XIII - Tout Homme étant présumé innocent jusqu'à ce qu'il ait été déclaré coupable, s'il est jugé indispensable de l'arrêter, toute rigueur qui ne serait pas nécessaire pour s'assurer de sa personne doit être sévèrement réprimée par la loi.

Article XIV - Nul ne doit être jugé ou puni, qu'après avoir été entendu ou légalement appelé et qu'en vertu d'une loi promulguée antérieurement au délit. La loi qui punirait les délits commis avant qu'elle existât, serait une tyrannie ; l'effet rétroactif donné à la loi serait un crime.

Article XV - La loi ne doit décerner que des peines strictement et évidemment nécessaires : les peines doivent être proportionnées au délit et utiles à la société.

Article XVI - Le droit de propriété est celui qui appartient à tout citoyen de jouir et de disposer à son gré de ses biens, de ses revenus, du fruit de son travail et de son industrie.

Article XVII - Nul genre de travail, de culture, de commerce ne peut-être interdit à l'industrie des citoyens.

Article XVIII - Tout homme peut engager ses services, son temps ; mais il ne peut se vendre ou être vendu : sa personne n'est pas une propriété aliénable. La loi ne reconnaît point de domesticité ; il ne peut exister qu'un engagement de soins et de reconnaissance entre l'homme qui travaille et celui qui l'emploie.

Article XIX - Nul ne peut-être privé de la moindre portion de sa propriété sans son consentement, si ce n'est lorsque la nécessité publique, légalement constatée, l'exige et sous la condition d'une juste et préalable indemnité.

Article XX - Nulle contribution ne peut être établie que pour l'utilité générale. Tous les citoyens ont le droit à concourir à l'établissement des contributions, d'en surveiller l'emploi et de s'en faire rendre compte.

Article XXI - Les secours publics sont une dette sacrée, la société doit la subsistance aux citoyens malheureux, soit en leur procurant du travail, soit en assurant les moyens d'exister à ceux qui sont hors d'état de travailler.

Article XXII - L'instruction est le besoin de tous. La société doit favoriser de tout son pouvoir les progrès de la raison publique, et mettre l'instruction à la portée de tous les citoyens.

Article XXIII - La garantie sociale consiste dans l'action de tous pour assurer à chacun la jouissance et la conservation de ses droits ; cette garantie repose sur la souveraineté nationale.

Article XXIV - Elle ne peut exister, si les limites des fonctions publiques ne sont pas clairement déterminées par la loi, et si la responsabilité de tous les fonctionnaires n'est pas assurée.

Article XXV - La souveraineté réside dans le peuple ; elle est une et indivisible, imprescriptible et inaliénable.

Article XXVI - Aucune portion du peuple ne peut exercer la puissance du peuple entier ; mais chaque section du souverain assemblée, doit jouir du droit d'exprimer sa volonté avec une entière liberté.

Article XXVII - Que tout individu qui usurperait la souveraineté soit à l'instant mis à mort par les hommes libres.

Article XXVIII - Un peuple a toujours le droit de revoir, de réformer et de changer sa Constitution. Une génération ne peut assujettir à ses lois les générations futures.

Article XXIX - Chaque citoyen a un droit égal de concourir à la formation de la loi et à la nomination de ses mandataires ou de ses agents.

Article XXX - Les fonctions publiques sont essentiellement temporaires ; elles ne peuvent être considérées comme des distinctions ni comme des récompenses, mais comme des devoirs.

Article XXXI - Les délits des mandataires du peuple et de ses agents ne doivent jamais être impunis ; nul n'a le droit de se prétendre plus inviolable que les autres citoyens.

Article XXXII - Le droit de présenter des pétitions aux dépositaires de l'autorité publique ne peut, en aucun cas être interdit, suspendu ni limité.

Article XXXIII - La résistance à l'oppression est la conséquence des autres Droits de l'homme.

Article XXXIV - Il y a oppression contre le corps social, lorsqu'un seul de ses membres est opprimé. Il y a oppression contre chaque membre lorsque le corps social est opprimé.

Article XXXV - Quand le gouvernement viole les droits du peuple, l'insurrection est pour le peuple, et pour chaque portion du peuple, le plus sacré des droits et le plus indispensable des devoirs.

nota bene : cet article est paru initialement sur notre précédent blog à l'adresse http://lesjoyeuxjacobins.over-blog.com/article-11398222.html (transfert effectué le 23/12/2014)
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A l'occasion du transfert sur notre nouveau blog, nous vous indiquons ces liens :

Article encyclopédique en ligne : Wanda MASTOR, « DÉCLARATION DES DROITS DE L'HOMME ET DU CITOYEN (26 août 1789)  », Encyclopædia Universalis [en ligne], consulté le 23 décembre 2014. URL : http://www.universalis.fr/encyclopedie/declaration-des-droits-de-l-homme-et-du-citoyen-1789
 
B /  Déclaration de 1793 - http://www.conseil-constitutionnel.fr/conseil-constitutionnel/francais/la-constitution/les-constitutions-de-la-france/constitution-du-24-juin-1793.5084.html

Article encyclopédique en ligne : Nicolas NITSCH, « CONSTITUTION FRANÇAISE DE 1793  », Encyclopædia Universalis [en ligne], consulté le 23 décembre 2014. URL : http://www.universalis.fr/encyclopedie/constitution-francaise-de-1793

Un article de revue: Guillaume Bacot, "La citoyenneté dans la constitution de 1793", in Revue Française d'Histoire des Idées Politiques 2014/1 (N° 39); le résumé est accessible par ce lien http://www.cairn.info/resume.php?ID_ARTICLE=RFHIP_039_0161


Deux notices sur Marie-Jean Hérault de Séchelles :
1 - http://www.assemblee-nationale.fr/sycomore/fiche.asp?num_dept=12262 [cliquez sur l'onglet "biographie"]
2 - http://www.fayard.fr/marie-jean-herault-de-sechelles

Sur Saint-Just :
1 - l’importance des termes indépendance, égalité et possession dans la pensée politique de Saint-Just
http://www.cairn.info/resume.php?ID_ARTICLE=AHRF_370_0081#anchor_abstract 

2 - la formation de Saint-Just et son action politique:
Vinot Bernard. Bernard Vinot, Saint-Just : son milieu, sa jeunesse et l'influence de sa formation sur sa pensée et son action politiques. In: Annales historiques de la Révolution française. N°261, 1985. pp. 390-393
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/ahrf_0003-4436_1985_num_261_1_3347